Un cadre permanent entourant les prestations cibles en Ontario
Introduction
Le ministère des Finances de l’Ontario publiait, le 14 mars dernier, un document de consultation sur la mise en œuvre d’un cadre législatif permanent pour les régimes de retraite à prestations cibles. Cette règlementation viendra remplacer les mesures temporaires de financement actuellement en place pour les Régimes de Retraite interentreprises ontariens déterminée (RRIOD) et permettra la conversion de ces derniers en régimes de retraite à prestations cibles (RRPC). Le document de consultation vient compléter les éléments du processus de conversion prévu à l’article 81.0.2 de la Loi sur les régimes de retraite (LRR) et précise les mesures de transition. Il est important de noter que seuls les régimes de retraite interentreprises établis dans le cadre d’une convention collective ou d’un accord de fiducie pourront offrir un régime de retraite à prestations cibles. De plus, cette règlementation ne permet pas la mise en place de RRPC à employeur unique.
Selon le document de consultation, cette nouvelle règlementation vise à promouvoir de meilleures pratiques de gouvernance, à améliorer la communication et les informations fournies aux participants d’un régime de retraite à prestations cibles et à mettre en place de nouvelles règles de capitalisation.
Gouvernance
La loi exigera dorénavant, pour les RRPC, l’établissement et le maintien d’une politique de gouvernance ainsi que d’une politique de capitalisation. La politique de gouvernance est un document qui vise à encadrer le travail des personnes qui administrent le régime afin qu’ils effectuent leur travail d’une manière responsable, transparente, efficiente et en conformité avec les lois applicables. La politique de capitalisation viserait, en outre, à encadrer le financement du régime, les mécanismes de gestion des risques ainsi que le processus de réduction des bénéfices si une telle mesure était nécessaire. Cette dernière politique sera un document clé du régime puisque les éléments qui y seront inscrits auront nécessairement un impact à long terme sur les bénéfices qui pourront être crédités par le régime.
Communication
Les communications associées à un régime de retraite à prestations cibles sont un élément important pour les participants quant à leur compréhension des différents enjeux reliés à ce type de régime de retraite. Le document de consultation propose d’accroitre l’information divulguée sur les relevés annuels et lors de modifications au régime. De plus, de l’information additionnelle devra être transmise aux nouveaux participants afin que ces derniers saisissent bien tant les prestations du régime que les risques qui y sont associés.
Exigences de capitalisation
Le document de consultation prévoit des dispositions particulières pour le financement des RRPC. Les principales mesures sont décrites aux paragraphes suivants.
Comme c’est le cas actuellement pour les RRIOD, le financement sur base de solvabilité ne sera pas exigé pour les RRPC quoique la divulgation de la situation financière sur base de solvabilité demeure requise lors de l’évaluation actuarielle. Le financement se fera sur une base de capitalisation en y ajoutant une provision pour écart défavorable (PED). Le législateur propose une méthode différente pour fixer la PED de celle prévue pour les régimes à prestations déterminées.
Le cadre proposé se base sur deux facteurs, soit un relié à la proportion d’actif non fixe prévue à la politique de placement du régime et l’autre en lien avec le taux d’escompte utilisé dans l’évaluation actuarielle. L’objectif énoncé dans le document de consultation est de refléter le niveau de risque du régime dans la hauteur requise de la PED. Cette proposition de PED à deux facteurs est à l’opposé de la modification récente qui a eu lieu en Colombie-Britannique et qui sera vraisemblablement adoptée en Alberta plus tard cette année. Ces deux provinces favorisent une formule plus simple et moins volatile suite à des problématiques observées avec la formule proposée dans la consultation.
Lors de l’évaluation du régime, un test de suffisance des cotisations devra être effectué. Si la cotisation s’avère insuffisante, le régime devra soit procéder à une hausse des cotisations ou à une réduction de la cible des prestations. Le document de consultation ne demande pas d’inscrire dans le règlement du régime le mécanisme d’ajustement qui devra être appliqué dans ces situations. Par ailleurs, la politique de capitalisation devra encadrer ce processus pour le rendre plus transparent, équitable et prévisible afin d’aider les administrateurs du régime à prendre leurs décisions plus rapidement.
Le document de consultation propose d’utiliser la base de capitalisation pour le calcul des valeurs actualisées lors de transfert, et ce conformément aux normes de pratique de l’Institut canadien des actuaires. Les régimes ne seraient pas autorisés à ajuster la valeur payable en fonction du degré de capitalisation du régime.
Alors que l’utilisation de la base de capitalisation est en lien avec les autres provinces canadiennes (à l’exception du Québec), l’obligation de payer la valeur à 100 % peu importe la situation financière du régime est inhabituel pour ce type de régime. L’utilisation d’une base de paiement différente pour les participants ontariens pourrait créer une certaine iniquité dans les régimes où participent des employés de plusieurs provinces.
Finalement, un des éléments importants de cette consultation est l’interdiction d’utiliser les surplus pour financer en tout ou en partie la cotisation d’exercice et ce, incluant le coût additionnel relatif à la PED. Pour certains RRIOD la cotisation fixe actuellement en place pourrait ne pas être assez élevée pour répondre au test de suffisance des cotisations et nécessiter un ajustement à la baisse des prestations. Dans les mesures de transition présentées dans le document de consultation, le législateur a prévu pour les régimes qui désirent se convertir une période de de transition de 5 ans afin de leur permettre de s’adapter aux exigences du nouveau cadre de financement.
Conversion
Les RRIOD qui ne désirent pas se convertir en RRPC seront assujettis aux règles de capitalisation générales qui s’appliquent actuellement aux Régimes de retraite interentreprises à prestations déterminées. Pour ceux qui voudront se convertir en RRPC, un mécanisme de conversion sera prévu à la loi. Le processus prévoit qu’un avis de conversion devra être transmis à tous les participants, bénéficiaires, employeurs participants et syndicats représentant des participants au régime. Une demande de consentement à la conversion devra être présentée au directeur général de l’ ARSF. En plus d’inclure les avis de conversion distribués, la demande devra inclure une déclaration attestant que l’administrateur a consulté tout syndicat concerné ainsi qu’une déclaration attestant de la satisfaction des critères d’admissibilité énoncés à la LRR. Le document de consultation n’est pas clair à savoir si l’administrateur doit obtenir le consentement des syndicats concernés pour permettre la conversion lors de la consultation de ces derniers. Cet élément pourrait être précisé dans la règlementation.
Conclusion
Des changements importants sont à venir pour les participants des RRIOD ainsi que pour ceux qui envisagent la mise en place de RRPC en Ontario. Certains changements proposés amènent un questionnement, dont notamment le fait que les RRPC à employeur unique ou avec peu d’employeurs ne seraient pas permis, la formule proposée pour le calcul de la PED et le fait que la valeur actualisée ne puisse être ajustée en fonction de la situation financière du régime lors de transferts.
Le ministère des Finances invite les parties concernées à lui faire part de leurs commentaires d’ici le 30 juin 2023.