Projet de loi visant principalement à permettre l’établissement de régimes de retraite à prestations cibles
Le 7 octobre dernier, M. Éric Girard, Ministre des Finances, a présenté le projet de loi no 68 (« PL 68 ») à l’Assemblée nationale.
Contexte
Le PL 68 vise principalement à permettre aux travailleurs québécois d’accéder à un nouveau type de régime de retraite lorsque leurs conditions de travail prévoient l’adhésion à un tel régime. Le régime de retraite à prestations cibles (« RRPC ») a comme principale caractéristique l’octroi d’une rente payable la vie durant dont le risque de financement incombe entièrement aux participants. À ce titre, les rentes, incluant les rentes en cours de versement, pourraient être réduites sous la cible initialement prévue. Les seules cotisations de l’employeur permises sont celles prévues aux dispositions du régime.
Des exigences de modifications applicables aux régimes de retraite à prestations cibles déjà en vigueur dans le secteur des pâtes et papiers afin de les rendre conformes avec la plupart des dispositions applicables au RRPC font également partie du PL 68.
De plus, le PL 68 inclut l’option de transformer un régime à cotisations négociées en RRPC. Un régime à cotisations négociées est un régime en vertu duquel les cotisations des employeurs sont fixes et les rentes peuvent être réduites.
Le PL 68 introduit également une nouvelle option pour les régimes de retraite comportant une disposition à cotisations déterminées et les régimes volontaires d’épargne-retraite (« RVER ») pendant la retraite en permettant le versement d’une « rente viagère à paiements variable » (« RVPV »)
Finalement, le PL 68 propose des modifications au Régime de rentes du Québec (RRQ) pour les personnes bénéficiaires du supplément pour enfant handicapé.
Les dispositions du PL 68 entreront en vigueur à la date de sanction du PL 68, à l’exception des modifications à la Loi sur le régime de rentes du Québec, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2020.
Le Régime de retraite à prestations cibles
D’entrée de jeu, il serait interdit de transformer les prestations passées d’un régime à prestations déterminées en dispositions à prestations cibles ou d’inclure pour le service futur des dispositions à prestations cibles dans un régime à prestations déterminées. Les RRPC devront s’enregistrer comme un nouveau régime dont la gestion sera confiée à un comité de retraite éliminant ainsi la complexité liée à une gestion de plusieurs volets avec des objectifs de financement disparates.
Le RRPC serait encadré quant aux prestations qu’il peut ou doit prévoir. Ainsi,
- Il ne peut prévoir des rentes basées sur une moyenne des derniers salaires ou des meilleurs salaires;
- Il ne peut prévoir l’indexation automatique des rentes pendant la retraite;
- Il ne peut prévoir des avantages de retraite anticipée qui dépendent du nombre d’années de service ou de participation du participant;
- Il ne peut prévoir des prestations conditionnelles à la terminaison du régime;
- Il ne peut prévoir des ententes-cadre de transfert avec d’autres régimes de retraite;
- Il doit accorder aux participants qui cessent leur participation active avant la retraite tous les avantages de la retraite anticipée et l’indexation avant la retraite dont les participants actifs bénéficient, le cas échéant;
- Il n’a pas l’obligation de prévoir une prestation minimale si la valeur accumulée des cotisations salariales est supérieure à la valeur des prestations acquises sauf s’il y a acquittement des droits.
Le financement du RRPC serait encadré de manière similaire au financement prévu pour les régimes à prestations déterminées du secteur privé. Ainsi, une cotisation d’exercice de stabilisation dont le niveau est déterminé par règlementation, variant selon les caractéristiques de risque de la politique de placement et d’appariement entre celle-ci et la valeur des prestations du régime, s’ajoute à la valeur des prestations créditées dans une année pour déterminer la cotisation d’exercice totale. Les prestations dont la valeur est égale à la cotisation d’exercice définissent la cible des prestations. Cette cible peut donc évoluer dans le temps en fonction de la démographie des participants actifs et des hypothèses actuarielles.
Contrairement aux régimes de retraite à prestations déterminées du secteur privé, aucune cotisation d’équilibre de stabilisation ne peut être établie. Toutefois, si l’actif du régime est inférieur à la valeur des prestations pour les services reconnus à la date d’une évaluation actuarielle, une cotisation d’équilibre est établie pour capitaliser ce déficit sur une période d’amortissement maximale de 5 ans.
Si les cotisations salariales et patronales prévues au régime étaient inférieures aux cotisations établies par une évaluation actuarielle, les mesures de redressement prévues au régime doivent être exécutées sans conférer aucune discrétion au comité de retraite quant au choix de celles-ci. Le RRPC devrait prévoir des mesures de redressement distinctes selon qu’elles visent une insuffisance de cotisation relative aux services postérieurs à la date d’une évaluation actuarielle ou aux services reconnus à cette date.
Un RRPC devrait prévoir l'une des mesures de redressement suivantes, ou une combinaison de celles-ci, advenant une insuffisance de cotisation relative aux services postérieurs à la date d’une évaluation actuarielle :
• Une hausse des cotisations salariales;
• Une hausse des cotisations patronales;
• Une réduction de la cible des prestations.
Un RRPC devrait prévoir l’une des mesures de redressement suivantes, ou une combinaison de celles-ci, advenant une insuffisance de cotisation relative aux services reconnus à la date d’une évaluation actuarielle :
• Une hausse des cotisations salariales;
• Une hausse des cotisations patronales;
• Une réduction des prestations liées aux services reconnus à la date de l’évaluation actuarielle, la valeur de cette réduction ne devant pas réduire les prestations des participants inactifs et des retraités dans une proportion supérieure à celle applicable à la valeur des droits des participants actifs.
Si un excédent d’actif est établi lors d’une évaluation actuarielle, le RRPC pourrait prévoir le rétablissement des prestations réduites à la suite de l’exécution d’une mesure de redressement. Ce rétablissement doit être prévu au texte du régime sans conférer aucune discrétion au comité de retraite quant à la décision de rétablir les prestations, au choix des prestations à rétablir et à la méthode du rétablissement. Un excédent d’actif ne pourrait servir à d’autres fins avant le rétablissement de l’ensemble des prestations réduites et seuls les participants et bénéficiaires ont droit à l’excédent d’actif. Le PL 68 prévoit la portion de l’excédent d’actif pouvant être affectée, les conditions et les modalités devant être respectées.
À l’instar des régimes à prestations déterminées, le participant ayant acquis le droit à une rente a droit au transfert de la valeur de celle-ci. Toutefois, les conditions d’acquittement seront différentes. La valeur des prestations sera acquittée en proportion du degré de solvabilité lequel ne pourra faire l’objet d’aucun plafonnement. La portion de la valeur des droits qui ne sera pas acquittée lorsque le degré de solvabilité est inférieur à 100 % ne sera en aucune situation versée au participant. Les hypothèses actuarielles pour déterminer la valeur des droits du participant et celles prévues pour déterminer le degré de solvabilité du régime seront prévues par règlement. À cet égard, pour l’instant nous ne savons pas si ce règlement à venir fera en sorte que le législateur s’harmonisera avec les modifications des normes de pratique sur les valeurs actualisées des rentes (Section 3500) de l’Institut canadien des actuaires applicables pour les RRPC à compter du 1er décembre 2020. Si c’est le cas, cela aurait un impact important sur le calcul de la valeur des droits des participants et donc, sur le degré de solvabilité. Pour plus d’informations sur les modifications à la Section 3500 de la norme de pratique, veuillez consulter nos publications d’avril et février 2020.
Dispositions applicables au processus de terminaison de régime ou de retrait d’un employeur participant à un RRPC
Il est prévu, par le PL 68, un processus simplifié en cas de terminaison de RRPC ou de retrait d’un employeur d’un tel régime.
Par ailleurs, dans ces cas, les droits des retraités et bénéficiaires seront acquittés par l’achat d’une rente établie avec la valeur de leurs droits ajustée en fonction du degré de solvabilité du régime. Toutefois, s’ils en font la demande, les retraités et bénéficiaires pourront recevoir un transfert de cette même valeur dans un véhicule enregistré.
Il est aussi à noter qu’un RRPC comptant plusieurs employeurs aurait le droit d’offrir aux retraités et bénéficiaires d’un employeur faisant l’objet d’un retrait de continuer à recevoir leur rente du régime. Ainsi, les droits de ces participants n’auraient pas obligatoirement à être acquittés comme c’est le cas actuellement pour un régime de retraite à cotisations négociées.
Municipalités, organismes mandataires d’une municipalité ou organismes supramunicipaux tels que définis dans la Loi sur le régime de retraite des élus municipaux et universités
Le PL 68 soustrait les RRPC à l’application de certains articles de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal et de la Loi sur la restructuration des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur universitaire afin de permettre d’établir un RRPC ou un régime de retraite à financement salarial (« RRFS ») pour les travailleurs de ces secteurs. Certaines conditions devraient toutefois être respectées comme une cotisation patronale maximale égale à 55 % des cotisations totales prévues au régime. Pour plus d’informations concernant les RRFS, veuillez consulter nos publications de septembre 2017, mai 2007 et octobre 2004.
Dispositions applicables aux régimes à prestations cibles déjà en vigueur dans le secteur des pâtes et papiers
Les régimes à prestations cibles déjà en vigueur dans le secteur des pâtes et papiers en vertu de la Loi permettant l'établissement de régimes de retraite à prestations cibles dans certaines entreprises du secteur des pâtes et papiers doivent être rendus conformes aux dispositions applicables au RRPC au plus tard le 31 décembre 2023. Des mesures correctives sont prévues advenant que ces régimes n’aient pas été rendus conformes le 31 décembre 2023.
Pour ces régimes :
- Il sera possible de conserver des dispositions en vertu desquelles la rente est basée sur une moyenne des derniers salaires ou des meilleurs salaires.
- L’indexation automatique de la rente, le cas échéant, est maintenue pour les participants qui reçoivent une rente au moment de la modification.
- Un processus de consultation des participants et bénéficiaires est prévu pour l’approbation des modifications afin de se conformer à la nouvelle législation.
- Une évaluation actuarielle doit être préparée à la fin de l’exercice financier au cours duquel il est rendu conforme à la nouvelle législation ou le 31 décembre 2023 au plus tard. Une telle évaluation devra être effectuée selon les règles applicables au RRPC.
La disposition du PL 68 indiquant qu’un régime ne peut pas comporter à la fois des dispositions à prestations déterminées et des dispositions à prestations cibles ne s’appliquent pas aux régimes de retraite établis conformément au Règlement concernant certains régimes de retraite de Papiers White Birch.
Dispositions applicables aux régimes de retraite à cotisations négociées
Un régime de retraite à cotisations négociées (« RRCN ») pourra être transformé en RRPC selon les modalités qui seront prévues par règlement.
Un RRCN qui est transformé en RRPC et dont la rente est basée sur une moyenne des derniers salaires ou des meilleurs salaires pourra conserver ces dispositions. Des dispositions en vertu desquelles le RRCN octroie des avantages de retraite anticipée qui dépendent du nombre d’années de service ou de participation du participant pourront également être maintenues. Finalement, pour les participants d’un tel régime qui reçoivent une indexation automatique de leur rente au moment de la transformation, l’indexation de la rente se poursuit après la transformation en RRPC.
Un processus de consultation des participants et bénéficiaires est prévu dans certaines circonstances lorsqu’un RRCN est transformé en RRPC.
Autres modifications à la Loi RCR
Le PL 68 modifiera la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (« Loi RCR ») afin de permettre aux retraités et bénéficiaires d’un régime à prestations déterminées traditionnel dont l’employeur fait faillite alors que le régime n’est pas solvable d’opter pour le transfert de la valeur de leur rente dans un véhicule enregistré.
Le PL 68 prévoit également qu’un régime pourra établir le degré de solvabilité selon une périodicité inférieure à un exercice financier, conformément aux règles qui seront prévues par règlement.
Rentes viagères à paiements variables pour les régimes comportant une disposition à cotisations déterminées et les RVER
Le PL 68 permet aux régimes de retraite à cotisation déterminée et aux RVER d’offrir, à un participant qui a cessé sa participation active, une rente viagère à paiements variables à même le régime. Une partie ou la totalité des sommes que le participant a accumulées seraient converties en une rente viagère. Cette rente, qui variera en fonction du rendement et de l’expérience de mortalité des rentiers, devra satisfaire aux exigences prévues par règlement, notamment quant à l’établissement du montant de la rente, à son augmentation ou à sa diminution.
Modification au RRQ
Le PL 68 propose également des modifications au Régime de rentes du Québec afin de permettre de reconnaître les périodes pendant lesquelles une personne reçoit, pour un enfant de moins de 18 ans, le supplément pour enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels.