Comment améliorer le design de votre régime à cotisation déterminée par l’ajout de mécanismes automatiques
Le 8 novembre dernier, l’autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF) publiait une lettre d’interprétation sur l’utilisation de mécanismes automatiques dans les régimes de retraite à cotisation déterminée. Selon l’ARSF, la Loi sur les régimes de retraite (LRR) de l’Ontario et les règlements y afférents n’interdisent pas l’utilisation de mécanismes automatiques. En ce qui concerne les régimes enregistrés au Québec, il n’y a pas d’interdiction formelle sur les mécanismes automatiques. Cependant, la loi prévoit certaines contraintes dans le design de telles mesures. Il est donc préférable de valider avec Retraite Québec que la mesure que l’on veut introduire est acceptable.
Pourquoi utiliser des mécanismes automatiques
Bien que l’on pourrait croire que les gens agissent toujours de manière rationnelle et prennent les décisions appropriées concernant leur épargne, en réalité, ce n’est pas toujours le cas. Les gens ont des biais comportementaux qui affectent leurs décisions de consommation et, par le fait même, leur niveau d’épargne. Cet élément, combiné à une faible littéracie financière dans certains secteurs d’activités, a démontré qu’au fil du temps, une grande part des travailleurs n’arrivent pas à prendre les décisions nécessaires leur permettant d’accumuler suffisamment d’épargne en vue de leur retraite. Afin de contrer ces biais et le faible taux de littéracie financière, les mécanismes automatiques s’ajoutent à d’autres dispositifs disponibles tels les incitatifs financiers et la simplification des décisions requises pour inciter les gens à mieux économiser en vue de la retraite. La combinaison de ces mécanismes vise à améliorer la performance d’un régime à cotisation déterminée et à favoriser l’épargne des travailleurs couverts par le régime.
Qu’est-ce qu’un mécanisme automatique dans un régime à cotisation déterminée
Dans les régimes à cotisation déterminée, plusieurs décisions peuvent être volontaires de la part des participants. Les mécanismes automatiques tentent de contrer l’inertie naturelle des participants en agissant automatiquement de manière positive pour le participant et en effectuant un choix par défaut à la place de ce dernier. Comme la décision demeure toujours volontaire, le participant peut demander, après coup, de rétablir son statut tel qu’il était avant l’application du mécanisme automatique. Les mécanismes automatiques les plus connus sont l’adhésion automatique, la hausse de cotisation et le choix du fonds de placement par défaut.
L’adhésion automatique est fréquemment utilisée dans certains pays tels que la Grande-Bretagne et les États-Unis lorsque le régime prévoit une participation volontaire et qu’une adhésion obligatoire n’est pas possible. Aux États-Unis, les études montrent une augmentation d’entre 35 % et 67 % du taux de participation dans les régimes d’entreprises qui utilisent l’adhésion automatique par rapport aux régimes utilisant l’option d’adhésion purement volontaire des participants1. Certains critères d’adhésion tels que l’âge minimal et maximal d’adhésion ou le revenu minimum requis limitent l’impact d’une formule d’adhésion automatique. L’adhésion automatique peut être appliquée qu’une seule fois lorsque l’employé satisfait les critères d’admissibilité ou peut être appliquée une deuxième fois, après une période bien définie, lorsqu’il y a initialement retrait du régime. Cette deuxième adhésion permet à certains participants de reconsidérer leur choix en tenant compte de l’évolution de leur situation financière.
Bien qu’ils conservent le choix de se retirer du régime, l’inertie naturelle des participants fait en sorte qu’une grande majorité y demeure. Des incitatifs peuvent également être mis en place pour contrer cette option de retrait offerte aux participants. Des incitatifs financiers tels que de faibles taux de cotisations dans les premières années et l’attrait de cotisations équivalentes de l’employeur aident à maintenir le taux de participation des travailleurs dans le régime. Non seulement l’adhésion automatique augmente la participation au régime, mais plusieurs expériences internationales montrent que les retraits volontaires suivant cette adhésion automatique peuvent être très faibles. En Nouvelle-Zélande, on observait un taux de retrait de seulement 16 % en date de juin 2018 au régime d’état « KiwiSaver»2, et un taux de 10 % de retrait était observé en Grande-Bretagne dans les régimes d’entreprises qui utilisaient l’adhésion automatique dans leurs régimes de retraite volontaires.
L’augmentation automatique des taux de cotisation est aussi un moyen efficace de favoriser l’épargne des travailleurs. Que l’adhésion au régime soit volontaire ou qu’une adhésion automatique soit en place, en instaurant un taux de cotisation initial trop élevé, on augmente les chances que certains travailleurs n’adhèrent pas au régime ou s’en retirent au cours de la période permise suivant l’adhésion automatique. Un taux initial plus bas, accompagné de hausses automatiques, permet d’atteindre un niveau d’épargne adéquat malgré que les cotisations soient plus faibles dans les premières années. Afin de limiter les impacts sur le revenu disponible, ces augmentations automatiques peuvent être jumelées aux périodes d’augmentation de salaire prévues pour le participant. Tout comme l’adhésion automatique, le régime pourrait permettre au participant de maintenir le taux de cotisation actuel et d’annuler l’augmentation de cotisation automatique prévue. Il serait aussi possible de prévoir, lors de l’adhésion, deux options possibles pour le participant soit celle de cotiser immédiatement au taux le plus élevé ou celle de cotiser à un taux plus faible initialement et de prévoir une hausse automatique des cotisations, sans toutefois permettre le choix de demeurer au taux de cotisations plus faible.
Le plus utilisé des mécanismes automatiques est le choix par défaut du fonds d’investissement. Plusieurs régimes à cotisation déterminée ont modifié leurs fonds de placement par défaut au fil du temps, passant d’un (très conservateur) fonds de marché monétaire à des fonds de type cycle de vie, justement parce que l’expérience a démontré que les participants demeuraient investis dans le fonds initial qu’on leur avait assigné par défaut. La nature des fonds cycle de vie qui modifie automatiquement l’allocation d’actif au fil des années est aussi un bon exemple de mécanisme automatique bienveillant.
Finalement, lorsque des mécanismes automatiques sont prévus dans un régime, il peut être intéressant de profiter des événements « déclencheurs » qu’ils engendrent. Par exemple, lors de la seconde période d’adhésion ou au moment de la hausse automatique des cotisations, on peut profiter de l’occasion pour transmettre de l’information aux participants et ainsi profiter de l’attention suscitée par la modification de son statut. Une information plus ciblée et personnalisée a plus de chance d’atteindre son objectif qu’une communication annuelle plus générale.
Simplicité du processus
Plus le processus semble complexe du point de vue des travailleurs, ou plus il requiert de décisions, plus ces derniers ont tendance à retarder ou à éviter de prendre les décisions requises. Dans cette optique, non seulement doit-on tenter de simplifier les informations transmises aux participants du régime, mais il est aussi très important de simplifier le processus le plus possible et de limiter le nombre de décisions que le participant doit prendre. Le choix par défaut d’un fonds d’investissement, les augmentations automatiques du taux de cotisations, de même que l’adhésion automatique ont de bons succès puisqu’ils ne requièrent aucune décision ou action de la part du participant au régime.
Conclusion
Les mécanismes automatiques sont un des outils permettant d’améliorer la conception des régimes de retraite à cotisation déterminée, particulièrement lorsque la participation y est volontaire. Comme pour tout régime de retraite, une révision des provisions du régime est quelquefois requise pour s’assurer que sa conception soit toujours bien adaptée aux caractéristiques de la population visée et qu'elle permette toujours d’atteindre les objectifs d’épargne initialement visés. Lors de cette révision, l’ajout de mécanismes automatique peut non seulement augmenter la performance du régime, mais simplifier la tâche des participants et leur appréciation du régime lui-même.
1 Inclusiveness and finance, OECD 2019 p.10
2 Inclusiveness and finance, OECD 2019 p.16